De l'intérêt d'élargir le champ du relationnel

Date : Décembre 2016
Auteure : Isabelle Tassan-Toffola, animatrice de l'atelier d'écriture du GEM L'oiseau-lyre (Nancy)

Aux Amarres, lieu d'accueil de l'association Ensemble, on sait depuis longtemps que ce qui soigne le mieux la solitude et la souffrance psychique, c'est le relationnel. L'atelier d'écriture, créé en 2003 et que j'anime depuis treize ans maintenant, est un espace privilégié pour cela. Sa richesse vient en grande partie de sa mixité : s'y retrouvent des personnes avec et des personnes sans troubles psychiques, toutes désireuses d'échanger à partir de l'écriture. Après huit années d'existence, au cours desquelles ont pu s'instaurer proximité et confiance entre les membres du groupe, l'envie d'écrire in situ est née et avec elle l'idée d'un stage d'écriture en pleine nature.

En août 2012, a donc eu lieu le premier séjour sur la commune de Xonrupt-Longemer (Vosges) sur le thème de l'écriture de cueillette façon Peter Handke. L'impact très positif du séjour sur les participants nous a incités à en organiser un second qui a eu lieu deux ans plus tard à l'Arbrasserie d'Attignéville (Meurthe-et-Moselle) sur le thème du carnet de voyage. Deux nouvelles composantes, présentes en 2014, ont fait évoluer le concept du stage : le fait d'être tous impliqués dans la préparation des repas, condition du séjour à l'Arbrasserie, qui a sensibilisé chacun quant à l'importance de cuisiner équilibré pour rester en bonne santé, et l'initiation au taï chi chuan qui a fait prendre conscience aux participants de l'intérêt qu'il y a à inclure le corps dans le soin.

Ces constatations ont été mises à profit dans l'élaboration du troisième séjour, prévu en septembre 2016 sur le thème de l'arbre au gîte de La louvière près de Biffontaine (Vosges) : chacun a pris part à la préparation des repas et en plus des ateliers d'écriture, d'arts plastiques, de photo et de marche déjà programmés, j'ai proposé aux participants un atelier de géobiologie et un autre de méditation de pleine conscience.

Car pourquoi limiter le relationnel aux personnes humaines ? A plusieurs reprises déjà, au cours des stages précédents, le groupe avait pu constater les bienfaits d'un contact quotidien avec la nature : plaisir de la découverte, diminution du stress, moral et tonus en hausse pendant et longtemps après le séjour. L'initiation à la géobiologie a permis aux participants de mesurer l'impact de celle-ci sur l'organisme. Henri Boegler, notre hôte et géobiologue, nous a fait prendre conscience dans la forêt toute proche de la force d'énergie produite par les arbres et de notre faculté à l'emmagasiner par le seul contact visuel et tactile avec eux, en particulier avec les plus vigoureux. L'expérience fut concluante, au point que l'un des participants déclara : « Je ne verrai plus du tout les arbres de la même façon, eux qui peuvent m'apporter tant de bienfaits. » Cette pratique toute simple a l'avantage de rétablir entre la nature et nous, hommes et femmes des villes, le lien qui nous relie au reste de l'univers. Elle nous inscrit dans un ordre, un kosmos, qui s'oppose au désordre, au khaos, auquel est exposé tout un chacun du fait de sa vie en société et tout particulièrement la personne avec troubles psychiques.

Une autre manière de s'occuper sainement de son corps (et de son esprit aussi), c'est de méditer. Cette initiation non plus ne pouvait pas se faire sans guide. Cette pratique qui peut sembler anodine pour des personnes ordinaires, n'est pas sans risques pour celles avec troubles psychiques dont une des difficultés majeures est de rester ancrées dans le réel. Il fallait donc une méditation qui fit la part belle à la conscience du corps, à l'ici et maintenant. Méditer, c'est aussi du relationnel, c'est se connecter à l'instant présent, à son propre corps, à son ressenti. C'est à un psychiatre qui la pratique et l'utilise aussi pour soigner, Christophe André, que j'ai confié le soin de guider les participants dans cette découverte. Tous ont accepté de tenter l'expérience et au bout de cinq jours de pratique quotidienne, les moins convaincus en ont reconnu les bienfaits : recentrage, apaisement, bien-être.

L'exclusion n'est pas seulement la mise à l'écart par des êtres humains d'autres êtres humains. En vivant soi-même loin des espaces naturels qui nous redonnent notre juste place et en n'étant plus à l'écoute de ce que nous dit notre corps, en ne prenant plus soin de lui, en ne l'entretenant plus, nous nous privons d'échanges essentiels à notre santé physique et psychique. Or, c'est l'existence et la qualité de ces échanges qui sont le garant de la qualité de notre propre vie, que l'on soit malade ou non, et a fortiori si on l'est. Un soin qui ne prend pas en compte TOUTE la personne humaine ne peut que rester partiel.